Bravo mon grand
Christine Charlois
Je suis maman d'un petit garçon de 3 ans et je suis aussi féministe. Être mère et féministe n'est en rien contradictoire mais cela implique une certaine éducation et certains messages que l'on veut faire passer à son enfant.
Par exemple, mon enfant porte du rose. Il a une salopette rose fuchsia qui lui va à ravir. D'ailleurs qui a décrété que le rose était l'apanage des filles et le bleu celui des garçons ? Il y a de cela des années, j'ai travaillé à la maternité sainte Thérèse de Colmar. Toutes les petites filles étaient en bleu, le bleu étant la couleur de Sainte Thérèse, mais les garçons n'ayant pas droit au rose, ils avaient des brassières de toutes les couleurs de l'arc en ciel, sauf du bleu et...du rose !
Mon petit garçon fait pipi assis sur les toilettes et non debout. Qui a, un jour, affirmé que les enfants mâles devaient pisser debout, quitte à trois ans à se mouiller le pantalon qui leur entrave les jambes ? Les nord africains qui portent des djellabas pissent assis. Les péruviennes font pipi debout. Uniquement des codes sociétaux !
Donc, mon enfant porte des salopettes roses, il fait pipi assis et joue à la poupée. C'est à ce moment-là que j'ai cru que j'allais me fâcher avec ma mère, c'est à dire, la grand-mère de mon fils.
Pourtant, avec mon conjoint nous l'avions habituée à vivre un peu différemment que ce qu'elle avait fait, elle et mon père avec moi. Mes parents étaient des plus classiques et ressemblaient à tous les parents des années 70. Mon père travaillait à l'extérieur et rapportait l'argent du ménage. Ma mère s'occupait de la maison et dépensait l'argent qu'on lui donnait pour notre entretien et celui de la famille. Elle n'avait cependant pas le droit de faire un chèque. Ça, c'était le rôle du chef de famille ! Car, à une époque pas si lointaine, le père, le mari était aussi le chef de famille. Il avait pratiquement droit de vie et de mort sur la maisonnée. Chez nous, c'était comme ça.
Mais chez moi, ça n'est pas comme ça. Le père de mon fils le change, le lave, lui donne à manger. Il se réveille la nuit pour le consoler. Il lui raconte des histoires et n'a pas honte de l'emmener au parc dans sa poussette. Tout bébé, il le portait en kangourou.
Notre petit garçon a reçu une poupée pour le Noël de ses deux ans. Il était tout intrigué de ce bébé qui n'en était pas vraiment un. Il lui met les doigts dans les yeux, dans la bouche. Il essaie de l'habiller, de le déshabiller. Il lui donne à manger, et maintenant il lui change même la couche. Il lui raconte dans son jargon des histoires avant d'aller au lit.
La grand-mère n'a pas compris le cadeau. Elle a pris le contrepied avec garage, voitures et pistolets. « Pour devenir un homme » dit-elle « et non une femmelette ». Le jour où mon ventre a commencé à s'arrondir pour la deuxième fois, nous sommes allés acheter une poussette pour ce second enfant. Dans la foulée, nous avons acheté la même ou presque pour la poupée de notre petit garçon. Notre raisonnement était simple « nous nous promènerions ensemble au parc, chacun avec sa poussette »
Notre petit garçon était tout fier de promener dans l'appartement sa poupée qui, maintenant avait sa poussette. En attendant que naisse la petite sœur ou le petit frère.
Le jour où la mamie vit son petit-fils délaisser camion et panoplie de Batman pour promener sa poupée, elle fut prête à faire une crise cardiaque, un AVC ou une apoplexie, enfin, quelque chose de grave. Les mots s'étranglaient dans sa gorge et quand elle put articuler quelque chose, ce fut pour dire à son petit-fils : « qu'est-ce que tu fabriques, tu joues à la maman maintenant ? »
Et c'est là que je suis fière de toi, mon grand, tu t'es redressé du haut de tes 3 ans pour lui répondre fièrement :
« Non, je joue au papa »